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Homo sapienne - Niviaq Korneliussen

Nuuk. Cinq jeunes perdus dans la nuit se cherchent une étoile.
 

Résumé


Nuuk, capitale du Groenland, quelques 27 habitant-e-s au km2. Parmi ceux-ci, cinq jeunes traversent sur ce bout de caillou isolé les mêmes turpitudes que n'importe quels autres adolescent-e-s à travers le globe. Ils s'aiment, se haïssent, se cherchent, s'ennuient, boivent, fument... Et font éclater les tabous au milieu du verre brisé, témoin d'une soirée arrosée et d'une colère tapie et indomptée, à laquelle l'écriture franche et crue de Niviaq Korneliussen redonne toute sa fougue.



 

Un uppercut qui manque le K.O. - mon avis

Le premier chapitre de Homo sapienne a été pour moi une vraie claque! On y entre dans l'intimité torturée d'une jeune groenlandaise, engluée dans une relation ennuyeuse et un train-train quotidien, qui jettent un doute profond sur le sens de sa vie. Froid et cynique, l'autrice frappe fort et juste, à l'image de cette liste de course qui réduit la vie à sa plus triste expression:

1 - Mes études terminées et nos revenus assurés, nous achèterons une maison avec beaucoup de pièces et un balcon 2 - Nous nous marierons 3 - Nous ferons trois-quatre enfants 4 - Tous les jours, nous irons faire nos courses après le travail et nous rentrerons à la maison en voiture 5 - Nous vieillirons et nous mourrons.













ça va, c'est fun.

Ce premier récit est d'une absolue noirceur.

Mais qu'on se le dise, cette entrée en matière plutôt prometteuse ne fera que rendre les autres chapitres un peu plus fades, en comparaison.


Car le concept de Homo sapienne est de présenter la tranche de vie de chacune de ces 5 personnes - Inuk, Ivik, Fia, Arnaq et Sara - en 5 chapitres distincts, avec chacun son style particulier. Le chassé-croisé des récits permet d'éclairer une même série d'événements, sous un angle nouveau. Cette structure chorale offre autant de pistes pour effleurer les thématiques de la quête de soi, du mal être, de la culture queer, ou encore de l'héritage culturel.


Homo sapienne se veut à la fois intime, via l'exploration de la vie sentimentale de ces 5 adolescent-e-s en mal de repères, mais aussi et surtout universel, par-delà les particularismes locaux, grâce aux questionnements existentiels que traversent Inuk, Ivik, Fia, Arnaq et Sara. Peur de l'abandon, mal-être, crainte de ne pas trouver sa place trouveront sont autant de thématiques qui, certainement, trouveront écho chez toutes les lectrices et les lecteurs.


Un style mordant


Aucun doute: Homo sapienne vient des tripes ! Tout dans sa forme, son style, transpire une sorte d'urgence. L'originalité de Nivia Korneliussen est de mélanger à la fois les styles (échange de sms, de lettres, messages sur Facebook, bonnes vieilles discussions directes, aphorismes, hashtags, etc.) et les langues. Résolument urbain, Homo sapienne fait feu de tout bois. On apprend à connaître nos cinq ados en un mélange de groenlandais, d'anglais et de danois, chaque langue amenant son grain de sel, que ce soit pour jeter une pointe d'ironie ou imposer de la distance. Par ce procédé, l'autrice parvient avec succès à détricoter cette image stéréotypée des Inuits vivant encore reclus du monde. Pas plus cosmopolites qu'eux!


Bref, c'est punk dans son audace et vulgarité, c'est piquant, mais manque un brin de maturité. Dans cet univers d'ado, tout prend des ampleurs dramatiques - jusqu'au ridicule. Les personnages se veulent tous plus intenses les uns que les autres, au point de perdre l'unicité de leur voix. Et c'est un peu usant, à force.














Le feeling après avoir lu Homo sapienne

Rien à dire sur le premier chapitre, dont le personnage est plutôt réussi. Sa "voix" est unique et reconnaissable. Son récit d'ennui - une jeune femme questionne son orientation sexuelle, s'ennuie avec son homme, se sent prisonnière d'une vie fade - se traduit en une longue logorrhée sans respiration, qui imite à la perfection son sentiment d'asphyxie. C'est percutant, mais l'uppercut ne laisse pas sonné longtemps.


Le mélange des genres et des langues ne suffisent pas, au fil des pages, à maintenir l'excitation. Les autres personnages manquent à mon sens d'originalité pour éviter que leurs voix finalement ne se confondent. La faute à une écriture dont la spontanéité a petit à petit érodé l'épaisseur des personnages?




















Dès qu'un personnage se pointe


ça claque comme ça épuise !

Au final, Homo sapienne parvient vraiment à sortir du lot grâce à sa forme. C'est original et frais, mais souffre à mon sens d'un côté "fanfic" assez tenace. Par contre, le message que cherche à faire passer Niviaq Korneliussen mérite d'être entendu. Elle l'affirme haut et fort: Homo sapienne n'est pas un roman folklorique. Elle qui s'est vue si souvent demander ce que signifie être "groenlandais", répond avec provocation - et, j'imagine, un soupir de découragement - que c'est être un alcoolique qui bat son conjoint, maltraite ses enfants, parce que lui-même a été maltraité enfant et reproduit le schéma.


Il va sans dire que cela a fait couler beaucoup d'encre.


Mais je comprends son énervement à ne lire que des récits du Nord excessivement stéréotypés, alors même que la jeunesse en déshérence du pays est ignorée. Homo sapienne est une charge contre la facilité, une volonté de représenter ce qui ne l'a jamais été. Ou, comme l'autrice le dit elle-même, elle a écrit le livre qu'elle n'a jamais pu lire.


Bref, je suis pas complètement convaincue par l'exécution, mais tout à fait sensible à la motivation.


Reste que lire ce bouquin m'a permis de découvrir qu'il existe à l'Université du Québec, à Montréal, une chaire de recherche sur l'imaginaire du Nord, de l'hiver et de l'Arctique! J'ai décidément raté ma vocation.

 

Boîte à pensées


1- Mes études terminées et nos revenus assurés, nous achèterons une maison avec beaucoup de pièces et un balcon

2- Nous nous marierons

3- Nous ferons trois-quatre enfants

4- Tous les jours, nous irons faire nos courses après le travail et nous rentrerons à la maison en voiture

5- Nous viellions et nous mourrons.


J'aime ton amour, mais non, je ne t'aime pas.


Trouve toi un foyer, si tu as la nostalgie d’un chez-toi. N’abandonne pas , si tu ne trouves pas de chemin. Regarde-toi dans le miroir, si tu es sur le point d’abandonner. Trouve-toi toi même, quand tu te regardes dans le miroir. Tu trouveras ton foyer quand tu te trouveras toi-même ; et alors, rentre chez toi.






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